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Filière du bois : l’Aquitaine, contre-exemple français ?

Arnaud Montebourg va être content de l’apprendre : en Aquitaine, la balance commerciale de la filière forêt-bois est excédentaire. La région la plus boisée de France n’est donc pas représentative de l’ensemble du pays où le secteur accuse un déficit de 6 milliards d’euros. L’ancien ministre du redressement productif a lancé en mars 2014 un comité de travail pour ce domaine considéré désormais comme aussi stratégique que l’aéronautique. Entre réussite et enjeux partagés, la région est également concernée.

L’Aquitaine est la plus grande région productrice de bois en France. La filière forêt-bois y est si développée que quatre communes sur cinq accueillent une de ses entreprises. C’est le deuxième employeur de la région avec 38 000 emplois. On les retrouve dans la sylviculture et l’exploitation forestière, mais surtout dans des secteurs industriels : le sciage et le travail du bois, le bois de construction, la fabrication de meubles, l’industrie du papier et du carton. La filière bois représente 1/3 des emplois industriels de la région. Un taux qui augmente dans les départements les plus ruraux, jusqu’à 45% dans les Landes.

Une balance commerciale excédentaire grâce à la pâte à papier

La filière bois se porte bien, elle se porte même très bien. Elle engrange 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, le troisième de la région derrière l’aéronautique et l’agro-alimentaire.

“L’Aquitaine est un cas particulier. Dans le triangle landais par exemple, la totalité du bois est transformée et vendue sur place. Elle n’est donc pas comptabilisée dans les chiffres du commerce extérieur. Mais elle explique le dynamisme de la filière dans la région”, précise Olivier Roger, chef du service forêt et bois à la Direction régionale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt (Draaf) Aquitaine. Le bois est transformé et vendu dans la région, puis utilisé pour l’emballage, les fabrications de palettes et de caisses de vin.

La balance commerciale de la filière est tout de même excédentaire en Aquitaine grâce au secteur de la pâte à papier. Ses exportations couvrent à elles seules les importations des autres domaines.

Comme en France, le secteur aquitain de la fabrication de meubles est en déficit. Difficile pour les entreprises locales de se fournir en bois. D’après Emmanuelle Bour-Poitrinal, déléguée générale de France Bois Industries Entreprises, chargée de la coordination du Comité stratégique de la filière bois : « L’offre française n’est pas forcément adaptée aux besoins de la transformation (…) et les fournisseurs ne veulent pas investir pour une clientèle française qu’ils considèrent assez infidèle. » Ils préfèrent vendre à l’étranger, qui est demandeur.

Pour les professionnels de l’industrie du bois, le bouc émissaire est tout trouvé : la Chine serait responsable d’une hausse de 15% du cours du bois en un an. Victime de la déforestation, le pays a achèté 400 000 mètres cube de résineux en 2013. Mais les acquisitions chinoises ne représentent en fait que 4% de la production française. En France, comme en Aquitaine, les échanges extérieurs se font principalement avec nos voisins.

Le gouvernement tente de réagir

Le véritable problème reste l’organisation de la filière. Une vision globale a commencé à émerger depuis une dizaine d’années. En mars 2014, Arnaud Montebourg, à l’époque ministre du redressement productif, et Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, mettent en place un comité stratégique pour la filière bois. Six mois auparavant, le gouvernement plaçait la filière bois comme l’une de ses 34 priorités “pour une nouvelle France industrielle”, au même titre que l’aéronautique ou la transition énergétique.

Ce comité stratégique devra aboutir à un contrat de filière dans l’été 2014. Il devra réunir autour de la table tous les acteurs institutionnels et économiques. Parmi les pistes exploitées, le côté règlementaire bien sûr : l’incitation fiscale, afin de dissuader la détention patrimoniale et d’inciter à l’exploitation du patrimoine forestier. Mais surtout des mesures pour une meilleure organisation de la filière : en favorisant par exemple le regroupement d’entreprises afin de répondre aux appels d’offre, ou encore en contractualisant les rapports entre fournisseurs et industries. Pour Emmanuelle Bour-Poitrinal, le point-clé est de considérer la filière d’une manière globale, en ayant conscience de l’interdépendance de ses acteurs. Une démarche déjà amorcée dans certaines régions dont l’Aquitaine, note-t-elle, qui tient compte de tous les secteurs dans ses programmes de travail.

Toutes ces mesures devraient permettre d’optimiser un potentiel qui semble sous-exploité. Alors que l’Allemagne possède 5 milliards d’hectares de forêt en moins, sa filière bois fait quasiment le double du chiffre d’affaire français et génère plus du triple d’emplois : 1 500 000 contre 450 000 en France.

France Bois Forêt et France Bois industries, les deux organisations inter-professionnelles à l’origine de l’idée de contrat de filière, évaluent à 25 000 le nombre d’emplois que le secteur forêt-bois pourrait générer d’ici 2020, uniquement en s’attaquant au problème de la mobilisation des ressources forestières et sans compter la mise en place d’une stratégie industrielle prévue par le comité. Des possibilités qui devraient intéresser l’Aquitaine et son secteur dynamique.

Pauline Pennanec’h, Lily Le Piver et Hélène Lompech

Vous pouvez encore consulter les sites du datajournalismelab de 2013 et de 2012. Outre les productions des étudiants, vous y trouverez des documents visant à partager les expériences et la réflexion des nombreux acteurs de ce laboratoire autour d’un modus operandi de la formation au datajournalisme.