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Bordeaux, la ruée vers l’Ouest

À l’ouest de la rocade bordelaise, un croissant de communes concentre les populations les plus riches de l’agglomération. Depuis dix ans, la proportion de contribuables aisés a nettement plus augmenté que dans les autres villes de la Gironde. Et pour cause, ils sont bien soignés.

« Ici, on est à 14km de Bordeaux. On a des bus toutes les neuf minutes, et en même temps, on est à la campagne », se félicite Sylvie Renaud, mère de famille et habitante de Saint-Médard-en-Jalles depuis un an. Comme elle, nombreuses sont ces familles qui choisissent le calme de cette banlieue, ou d’une de ses voisines, Saint-Jean-d’Illac, Martignas-sur-Jalle, ou encore Saint-Aubin-de-Médoc. Des zones résidentielles, parsemées de pavillons neufs, qui font partie des plus aisées de la Gironde.

Les revenus des habitants sont élevés dans un large croissant situé à l’ouest de Bordeaux.

« Historiquement, il y a toujours eu une opposition au niveau de la CUB, avec la partie ouest. Cet anneau aisé a tendance à s’étendre même au sud-est, à Bouliac et Latresne. Dans la métropole bordelaise, on a eu une urbanisation vers l’ouest car la Garonne, à l’est, a été une frontière naturelle », explique Anne-Marie Mayer, géographe à l’Université de Bordeaux III.

Jeep, piscine et légumes frais

Cette population aisée, Ludovic Besnier l’a bien ciblée. Il y a trois ans, après une étude de marché, ce bordelais a ouvert un commerce de primeur au bord de la rue la plus fréquentée de Saint-Aubin-de-Médoc. « Ici, ça construit à tout va » commente t-il. Dans la commune, le nombre de nouveaux logements augmente en moyenne de 2,7% tous les ans. Un taux qui atteint 3,2% à Martignas-en-Jalles, et 4,5% à Saint-Jean-d’Illac, tandis que la moyenne départementale est de 1,5%. Chaque année, de nouveaux pavillons sortent de terre, parfois avec piscine. « Je touche une clientèle qui cherche autre chose que des produits de supermarchés ». Sans aucun doute, il a trouvé ici un terreau très fertile.

Grâce à l’installation de nouveaux habitants aisées, les revenus moyen de la population augmentent plus rapidement dans les communes de l’ouest bordelais que dans le reste du département.

Sur le parking du primeur, des Jeep et des berlines familiales stationnent. « Les premiers lotissements datent d’il y a trente ou quarante ans. Ils ont été construits pour les cadres des entreprises de l’aéronautique implantées dans le secteur », raconte Minh Garault, gérante de l’agence immobilière à Saint-Médard-en-Jalle. Aujourd’hui encore, la grande majorité des entreprises d’aéronautique de la Gironde se concentre à l’ouest de Bordeaux, notamment grâce à la proximité de l’aéroport de Mérignac.

La concentration des entreprises d’aéronautique a attiré une population de cadres, surreprésentés dans cette zone ouest

Sur les vitrines des nombreuses agences immobilières, les pavillons individuels sont l’offre majoritaire. La fourchette de prix est large, mais « le coeur de cible, ce sont des familles qui cherchent une maison de trois ou quatre chambres, pour un prix moyen de 330 000 euros », précise Minh Garault.

Un coeur de cible plutôt jeune et dynamique, qui une fois installé dans la banlieue peut profiter de la proximité de Bordeaux. « J’envoie ma fille tous les jours au lycée à Bordeaux », raconte Sylvie Renaud, originaire de la banlieue parisienne.

Ce n’est pas le cas de la première vague d’habitants. « Bordeaux ? Moi, je n’y mets jamais les pieds » lance Christian, un retraité qui vit depuis trente-huit ans à Saint-Aubin-de-Médoc. Avec ses commerces de proximité, la régularité des bus, et les stations de VCUB, les retraités rencontrés en pleine semaine ne manquent de rien. La vie associative y est aussi importante. Philippe Guillemin, installé ici depuis 1975, sort justement de son cours de yoga hebdomadaire : « Il y a plein d’activités diverses, et puis le marché tous les vendredis brasse pas mal de monde ».

Logements sociaux : le bonnet d’âne

Comme Saint-Aubin, beaucoup de ces communes aisées ont une faible mixité sociale. Les écarts de revenus y sont également plutôt faibles. « Une explication de la faible représentation des populations défavorisées, ce sont les logiques d’urbanisme en vigueur depuis 1945, précise Anne-Marie Meyer. L’habitat social en Gironde se situe surtout à Bordeaux et le long de la Garonne, vers le nord-est. Donc par défaut, les populations défavorisées ne vont pas s’installer à l’ouest puisqu’elles ne trouveront pas de logement ».

Effectivement, dans ce croissant aisé résident les plus mauvais élèves de la CUB, qui ne respectent pas le seuil de 25% de logement sociaux locatifs pour les communes de plus de 3500 habitants. « À Saint-Aubin, la municipalité semble préférer payer une amende que de construire des logements sociaux », affirme Anne-Marie Meyer, géographe à l’Université Bordeaux III. Et en effet, la commune s’acquitte tous les ans d’une amende de 50 000 euros, ce qui ne représente que 0,5% de son budget. « Pour les municipalités, tout est question d’image », ponctue la géographe. Une image qui semble plaire aux électeurs de Saint-Aubin. Aux dernières municipales, ils ont conforté la politique de leur maire UMP, Christophe Duprat, réélu à 66% des voix.

Charlotte Gillard, Florian Perrin, Thibault Seurin

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